« On me toisait, de haut en bas. Sans hostilité d’ailleurs. « Le charme de la jeunesse ». On m’accueillait avec un sourire amusé. L’œil des magistrats devenait vague quand je commençais à plaider. Leur pensée aussi… « Qu’est-ce que cette jeune femme peut bien faire ici, à parler de choses qui ne sont ni de son âge ni de son sexe? » Tel était à peu près le climat. Éprouvant au point que pendant un moment, je me suis ingéniée par le vêtement, par la coiffure, à me vieillir, à m’enlaidir. Pour leur faire oublier que j’étais une femme. Pour qu’ils m’écoutent. Pour qu’ils me prennent au sérieux. Au début de chaque plaidoirie, je comptais dix minutes, un quart d’heure, consacrés uniquement à forcer l’attention des juges. Dix minutes, un quart d’heure perdus parce que j’étais une femme, et que je voulais, à la barre, n’être qu’une avocate. »
Le résumé
Gisèle Halimi était une grande avocate militante des droits des femmes. Cet ouvrage autobiographique permet de comprendre, à travers les différentes étapes de sa vie, son envie de lutte féministe. Dans La cause des femmes elle nous raconte sa naissance, son enfance en Tunisie dans un environnement dans lequel être une femme est un fardeau pour ne pas dire un handicape. Elle raconte son intérêt très jeune pour l’égalité homme/femme, sa lutte contre le patriarcat, sa vie d’étudiante, ses cicatrices qui l’on mené droit vers l’avocature. Ses combats elle les a menés en tant qu’avocate mais surtout en tant que femme: la création de son association Choisir, le procès très médiatisé de Bobigny de 1972, sa mobilisation pour la dépénalisation de l’IVG, son amitié avec Simone Veil, sa collaboration avec Simone de Beauvoir. Gisèle Halimi décrit dans La cause des femmes avec une justesse et une intelligence incroyable son parcours semé d’embuches et cette nécessité de justice qui l’a animé jusqu’à son dernier souffle.
« Pas de complicité par le silence, par l’acceptation d’un certain langage. Il est un langage que tiennent les hommes et que les femmes ne devraient jamais laisser passer. Les mots ne sont pas innocents. Ils traduisent exactement une idéologie, une mentalité, un état d’esprit. Laisser passer un mot c’est le tolérer. Et de la tolérance à la complicité, il n’y a qu’un pas. Mes confrères ont fini par se faire une raison. Mais là encore, quel effort! Quelle attention de tous les instants. Pendant des années et avant chaque procès, je savais qu’il faudrait me battre doublement. Pour gagner ma cause, je devais vaincre deux fois mes adversaires. Parce que j’étais une femme d’abord. En tant qu’avocate ensuite ».
Mon avis
En tant que femme, juriste et étudiant l’avocature je ne peux que me retrouver dans ce récit. J’ai eu envie d’apprendre chaque phrase tellement les mots de Gisèle Halimi ont fait sens et ont résonné en moi. Bien qu’autobiographique le livre est très prenant car très bien écrit et riche en évènements historiques. J’ai autant été happée par la plume de l’auteure que par son destin fascinant.
La cause des femmes est un récit sur un combat inspirant qui mérite d’être lu et relu. Il est à mettre dans les mains de toutes et tous.
La cause des femmes de Gisèle Halimi aux éditions Folio
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